L'histoire de Pontigny
Beaucoup de villages de l'Yonne sont installés depuis près de mille ans autour d'une petite église ; devant elle se trouve une place où ont souvent été construites aussi la mairie et l'école primaire. Le territoire de ces communes correspond la plupart du temps à celui des paroisses d'avant la Révolution. Leurs limites sont restées les mêmes depuis leur création. |
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L'église et les bâtiments où vivaient les religieux ainsi que des champs et des prés formaient un vaste enclos de dix-huit hectares entouré d'une muraille. Les moines ne pouvaient en sortir sans autorisation de leur supérieur, conformément à la Règle de st Benoît(1) qu’ils avaient fait vœux d’observer. |
A partir de 1240, l'abbaye accueillit en effet de nombreux pèlerins venus prier sur le tombeau de saint Edme, archevêque anglais inhumé dans l'église. C'est peut-être leur présence qui incita quelques personnes à s'installer autour de l'abbaye. Les plus anciens habitants laïcs de Pontigny dont les archives conservent le nom sont signalés en 1285 : il s'agit de Marie, veuve de Martin dit "La Quille", et de son second mari Etienne l'Anglais "de la loge de Pontigny"(2). Etienne et sa nouvelle épouse, Aremburge, habitent aussi "la loge de Pontigny" en 1290(3). En 1307, on mentionne des paroissiens de Venouse habitant également "la loge à côté de Pontigny"(4) : il devait s'agir des premières maisons qui pouvaient être construites en bois, le long des murailles de l'abbaye. En 1448, on y trouvait la Taverne de la Loge(5). Mais la plupart des terrains étaient encore occupés par des prés et des champs. Au sud de l'enclos de l'abbaye, entre le chemin dont nous avons parlé et la route de Ligny (actuelle rue Rabé), se trouvait les Champ des Murailles(6). A l'est, un bois d'une vingtaine d'hectares était délimité par un double fossé qui constituait ce que l'on appelait "le Parc" ; entre ce bois et le Ru des Cinquantaines : le Champ du Parc(7). Entre le Parc et la route de Ligny, à l'emplacement du lotissement, se trouvait le Champ de la Tuilerie(8). |
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Mais le lieu dit "La Tuilerie" était situé de l'autre côté de la route, où l'on voit encore des maisons anciennes(9). C'est là que l'on fabriquait déjà des tuiles et des carreaux de terre cuite en 1549(10) et sans doute même bien avant : les recherches de Terryl Kinder ont montré qu'il existe dans l'abbatiale des carreaux du Moyen Age(11), et les moines connaissaient dès 1156 un terrain appelé "Les Argilières"(12). Les fours devaient suivre l'extraction de l'argile, et la tuilerie s'est sans doute progressivement déplacée plus au sud, jusqu'à sa situation actuelle. Avant la Révolution, en direction d'Auxerre, le long de ce qui est aujourd'hui la Nationale 77, on ne trouvait que très peu d'habitations : l'ancienne route devait passer plus près de Venouse, non loin d'une autre ferme de l'abbaye, la Grange de Beauvais. La route d'Auxerre telle que nous la connaissons aujourd'hui fut probablement tracée au XVIIIe siècle en coupant en biais de nombreuses parcelles de terrain, ce qui explique la curieuse position des constructions actuelles par rapport à cette route : c'est là une des particularités des maisons de Pontigny. |
Depuis le Moyen Age, les moines utilisaient la force de l'eau pour actionner des moulins. Il y avait encore un moulin à grains dans l'enclos de l'abbaye en 1681(13) : il fut peu après reconstruit à l'extérieur, contre le mur d'enceinte(14) ; en face de lui, de l'autre côté de la route, on éleva un moulin à foulon en 1746(15) : c'est l'actuel restaurant. Avant d'être occupé par le Pré Neuf et l'ancienne Maison Pierrot (Maison des Associations), le terrain situé en face de l'entrée de l'abbaye, entre le Ru du Village (aujourd'hui canalisé) et le Ru de Beauvais, s'appelait le Champs de la Porte(16). A l'angle de la route d'Auxerre (rue Paul Desjardins) et de la route de Venouse (rue de l'Abbé Tauleigne), on trouvait au XVIIe siècle la "maison de la Croix Blanche"(17). |
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La section cadastrale de la Rue Feuillée fut créée en 1791(24). Elle correspondait à une partie du lieu dit "La Garande" ou "La Varande", sans doute le plus ancien nom de lieu de la commune. Il s'agit en effet d'une déformation de l'Avarande, en latin Avaranda, où les moines avaient une grange dès 1156(25) ; mais, d'après les spécialistes, ce nom est beaucoup plus ancien puisqu'il serait d'origine ... gauloise ! Avaranda viendrait de Equoranda, nom composé des mots gaulois equa, qui correspondrait à "juste" ou, pour d'autres, à "eau", et randa qui signifie "limite, frontière"(26). Or c'est précisément près de la Rue Feuillée, sans doute le long du Ru des Prés du Bois (autrefois "Ru de Lavarande") que passait la frontière entre les diocèses de Sens, d'Auxerre et de Langres ; ces limites pouvaient être un héritage des districts romains, eux-mêmes vraisemblablement calqués sur des circonscriptions des Gaulois. |
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